En l’adaptant en 1939, le réalisateur hollywoodien Andrew Wyler a fait des Hauts de Hurlevent, premier et dernier roman d’Emily Brontë publié en 1847, un mythe. Plus de deux cent vingt millions de spectateurs du monde entier ont applaudi Lawrence Olivier en Heathcliff, dans « la plus grande histoire d’amour de tous les temps ». Quarante ans plus tard, en 1979, la chanteuse pop Kate Bush en a tiré un tube planétaire, devenu culte à son tour. Cathy, Heathcliff, Wuthering Heights, ou les affres de la passion... Le roman d’Emily Brontë est tellement plus que cela, et c’est ce que ce documentaire met en lumière. Tourné dans le décor inquiétant du Presbytère de Haworth, où Emily Brontë est morte à 30 ans, et sur les landes obsédantes du Yorkshire, le film dévoile, en compagnie notamment de Lucasta Miller, biographe des Brontë, et d’Ann Dinsdale, conservatrice, l’une des œuvres les plus transgressives de l’histoire.

L’histoire d’une passion, mais aussi celle d’une vengeance sans équivalent. Un conte d’amour, mais aussi un conte de mort. Emily Brontë y remet en cause tout ce qui semble intouchable. La famille, dont elle la révèle la toxicité; l’inceste, à travers cet amour interdit entre un frère et une sœur d’adoption ; le Mal, à qui elle donne le visage si humain d’Heathcliff.

Avec une lucidité rare et toujours pertinente, le roman affronte les vérités inconfortables de notre humanité. Emily Brontë ne dévoile jamais qui est Heathcliff. Un enfant perdu ? Un Bohémien ? Ou un fils d’esclaves échoués en 1771 à Liverpool, qui était alors grand port négrier de l’Angleterre ? C’est cette hypothèse originale qu’explore le romancier Caryl Phillips. À l’heure où l’histoire de l’esclavage et du colonialisme percute les mémoires occidentales, le roman d’Emily Brontë se révèle intemporel, et résonne avec les enjeux du présent.