Ce Lavomatic, le plus grand du monde, condense l’Amérique d’aujourd’hui, emblématique d’un pays où les inégalités que révèle la blanchisserie publique parviennent, un moment, à se réconcilier. C’est une petite misère sociale qui se réunit tous les jours dans la laverie géante. Une misère propre, comme son linge. Le patron, Tom Benson, est bien sûr un personnage central. Il est, à sa manière, une représentation idéale de l’American Dream. Fils d’artisan, fonctionnaire, condamné à un ennui confortable, il est désormais millionnaire, l’un des notables respectés de cette proche banlieue de Chicago.

Tom est un homme généreux, il est avant tout un businessman hors pair. Les cadeaux, les dons à la communauté, il ne s’en cache pas, c’est avant tout un moyen de faire des affaires. Et cela marche depuis 20 ans dans ce quartier où les loisirs sont rarement au menu, où il manque souvent un cent pour arrondir le dollar.

Personnages centraux, aussi, les employés, ils sont une vingtaine, en grande majorité des femmes, qui assurent en trois rotations, les 24/24h du Lavomatic. Les clients sont leurs voisins, issus des mêmes immeubles décatis, habitués à la même existence frugale. La plupart Mexicaines, arrivées illégalement aux États-Unis, elles ont passé des décennies dans ce pays dont elles maîtrisent encore mal la langue, dont elles ignorent la culture. Même le centre-ville de Chicago, à quelques stations de train, leur semble une terre lointaine. Elles travaillent dur les femmes du Lavomatic, se plaignent peu mais, le temps d’une pause, elles osent raconter les moments de joies, de malheurs souvent, qui ont forgé leurs vies en exil. Des existences courageuses dans un pays brutal où pourtant patrons et employés finissent toujours par évoquer le rêve américain.